In other news (Glenn Smith)

Ce soir. Ce soir je lui dis. Bon sang, c’est pas possible d’être aussi stressée. J’ai l’impression de revenir il y a 3 ans, quand j’annonçais que j’étais une sorcière à Cissy…Ce qui, en rétrospective, était probablement plus dangereux que ce que je m’apprête à annoncer à Glenn. Car Cissy, aussi adorable et un peu paumé soit-il, reste un paladin, et si je n’ai jamais douté que Glenn ne me ferait rien (le cas contraire m’aurait fait beaucoup plus mal que n’importe quelle blessure physique qu’il pourrait m’infliger), Cissy…Non, pas tant Cissy que ceux qui pourraient être en charge de son éducation de paladin. Cissy ne me ferait jamais de mal. Il ne ferait jamais de mal à personne. BREF. Je digresse.

Ce soir, j’ai une annonce à faire à Glenn et si c’est moins impactant pour sa propre vie que de me découvrir sorcière, c’est bien plus personnel: je vais lui annoncer mon homosexualité. Si Cissy et Silas sont déjà au courant, Glenn ne l’est pas. Bon, ma vie sentimentale n’a pas l’air d’être quelque chose qui l’inquiète plus que cela, ce qui a évité les classiques questions gênantes sur le sujet (et donc possiblement moi qui m’out sans le vouloir, toute seule comme une grande débilus). Cissy m’a déjà demandé pourquoi je m’inquiétais, après tout, j’ai failli brûler la cuisine plus d’une fois et je suis une sorcière, choses qui n’ont pas empêché Glenn de rester, d’être toujours ce père qui est le mien depuis une dizaine d’années maintenant. Sauf que mon cerveau (beaucoup trop actif) se rejoue en boucle les témoignages terribles de jeunes de mon âge faisant leur coming out à leur famille pour simplement se retrouver à la rue du jour au lendemain (au milieu de dizaines où tout s’est bien passé, soyons honnête) et que…j’ai peur. C’est tout.

J’ai beau savoir que Glenn m’a adopté parce qu’il s’est attaché à moi, qu’il me protégerait contre le premier qui voudrait me faire du mal, je ne peux pas m’empêcher de me dire ‘et si c’était la goutte d’eau de trop?’. Alors ça fait deux semaines que je débat avec moi-même pour lui annoncer, enfin. Ce soir je prends mon courage à deux mains et je lui dis! Je suis sûre que tout ira bien, vu sa réaction à ma nature de sorcière, ça ne peut QUE bien se passer, pas vrai? Dans le doute, j’ai préparé un sac de voyage avec des vêtements, quelques affaires sentimentales et mon passeport, sagement planqué sous mon lit. Juste au cas où. Mieux vaut être prêt à toute éventualité, pas vrai?

Pour essayer de faire passer la pilule un peu mieux, j’ai commandé à manger au traiteur chinois, prenant soin de commander ses plats favoris. Je vais attendre qu’il rentre pour faire réchauffer tout ça au micro-onde. Au moins comme ça, pas de risque que je mette le feu à la cuisine. Maintenant…Bah j’attends. Je suis sur le canapé, un coussin serré dans mes bras, devant des vidéos youtube pour essayer de ne pas trop penser et surtout psychoter sur les retombées de mon admission de ce soir, à attendre d’entendre la porte d’entrée s’ouvrir, signe que Glenn est rentré. Je peux le faire. J’y crois.

Mon pied tapote nerveusement le sol durant cette attente qui me semble interminable. Bon sang, est-ce qu’il ne devait pas rentrer aux alentours de cette heure-ci? Peut-être que je me trompe, mais je n’espère pas. L’attente est terrible. Quand le son des clés dans la serrure se fait entendre, je me précipite pour éteindre la télé, avant de me rassoir, le coussin toujours contre moi, comme un bouclier de fortune. La gorge encore trop nouée, je ne réponds pas à sa question. Enfin, pas à sa première, la seconde, ma gorge se débloque et je secoue la tête.

“Non, t’en fais pas.”

En temps normal cela aurait pu me tirer une langue tirée vers mon père; ou au moins un rire voire le lancer du coussin. En l’état, je ne fais que lui répondre, simplement, presque bêtement. Reposant le coussin à côté de moi, je me tourne vers lui, le regard vers le canapé, les mains se triturant entre elles.

“J’ai…quelque chose à te dire en fait.”

Je sais que c’est une très mauvaise idée d’entamer comme ça. Ce genre de phrase n’inspire jamais rien de bon, mais je n’y peux rien, c’est sorti tout seul. Aucun doute que cela va d’autant plus inquiéter Glenn.

“Ca fait déjà quelque temps que j’y pense mais…J’arrivais pas à trouver le courage de te le dire. Ça va probablement te sembler ridicule et que j’en fais des caisses pour pas grand chose, mais c’est important pour moi et…” je soupire me passant une main frustrée dans les cheveux “Pas facile à dire…” bloquée pendant quelques secondes je finis par dire, la voix tremblante d’appréhension “Je…J’aime les femmes.”

Voilà, c’est sorti. Au moins une chose de faite. Ça n'empêche pas tout mon être de se tendre dans l’attente de la réponse de Glenn. J’avais espéré que même sans sa réaction, le fait de le dire à voix haute face à lui m’apporte quand même un fond de soulagement, comme un poids que l’on évacue de sa poitrine, mais rien de tout cela pour le moment…Plus les secondes passent, plus je sens ma tension grimper en flèche. Qu’il dise quelque chose, n’importe quoi…