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Gris [Solo]

Paladin
Hyacinthe Grey

Hyacinthe Grey

Paladin

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Aujourd’hui était un jour gris d’une tristesse incroyable. Pourtant, pourtant dehors le soleil brillait dans tous les sens, inondant de sa belle lumière la plupart des passants. Il aurait pu croire que, tout d’un coup, ses yeux lui faisaient défaut, pour commencer. Et puis le froid qui le saisissait depuis tôt ce matin n’était pas vraiment la preuve que l’hiver venait parce que ce gris et ce froid semblaient couler de son petit coeur malheureux. Hyacinthe détestait ces journées, ces moments où la tristesse débordait de lui en vagues qui s’échouaient sur ce qui l’entourait, laissant le gris s’installer en se retirant. Il n’y avait aucune raison au gris, la plupart du temps. C’était juste comme ça, comme un trop plein, la goutte de tristesse qui renverse le vase sous un poids que ses épaules ne se sentaient plus soutenir.

Sa vie allait bien, tout allait bien. Encore hier soir il avait adressé sa petite prière habituelle à son ange gardien, le remerciant de tout ce qu’il faisait pour le maintenir en vie, en sécurité et heureux, même si Hyacinthe ne l’avait jamais vu. Il avait posé sur une petite assiette fleurie des raisins, des quartiers de pomme pelés et un ou deux gateaux secs. Et ce matin, de façon absolument étrange, rien n’avait disparu. Rien de rien. Même pas une miette des petits beurres. Et peut-être, se dit-il, que c’était ça, ça qui avait fait déborder le gris. Parce que même si son ange gardien ne venait plus lui rendre visite, alors comment faire en sorte de passer une bonne journée? C’était un rituel, une évidence même, de laisser à manger a son protecteur. Et en retour, comme un accord tacite, celui-ci s’arrangeait toujours pour manger un peu de l’assiette, jamais tout mais au moins un peu. Rien n’avait disparu et Hyacinthe était plutôt inquiet et tout était gris, gris gris gris. Il tourna la tête vers la chaise de sa chambre, là où son châle aux mille couleurs reposait habituellement. Mais les couleurs semblaient avoir disparu au profit du noir, du blanc…et des différentes teintes de gris.

Dans un sens, c’était une aubaine que son jour de repos arrive aujourd’hui parce que l’homme n’avait absolument pas le courage de sortir. C’était dur, pour l’instant. Tout était dur. Même penser, même rêver alors que son être ne vibrait que grâce à l’imagination qui circulait toujours plus ou moins dans ses veines. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui il n’y avait que le gris. Et le froid. Et cette incapacité à bouger qui l’empêchait même de se lever du sol, là où il avait glissé de son lit après avoir fait appel à toute sa volonté. Il était épuisé.

IL sentait les digues de son âme commencer à craqueler et son regard perdu dans le vide se brouilla. Hyacinthe prit une grande inspiration mais quelque chose cassa en lui, craqua le barrage et la douleur se déversa aussi vite que ses larmes sur ses joues, libre, enfin, de faire ce qu’elle souhaitait. Son regard se leva, un peu par réflexe, alors que le soleil venait saluer sa chambre d’un rayon maladroit et indécis. Et ses yeux tombèrent sur son calendrier arc-en-ciel (si gris, tellement gris). Un sanglot remonta sa cage thoracique, suivi d’un autre et d’un autre et la date éclata dans son esprit comme un feu d’artifice mal contrôlé qui brûle tout sur son passage à la retombée.

Gris. Tout est si gris. Comme ce jour-là. Et froid. Comme ce jour-là. Le jour où il a dû dire au revoir à sa Nonna. Deux ans. Deux an déjà. Et peut-être que son ange n’est pas venu pour lui laisser l’intimité du deuil. Pour lui laisser la possibilité de panser les plaies béantes que l’absence de sa grand-mère a causé. Sa Nonna. Elle serait si malheureuse, de le voir au sol de sa chambre, secoué par la douleur et les sanglots, incapable de s’arrêter, comme couvert de milles clochettes qui tintent tristement au moindre de ses mouvement. Mais c’est dur. Tout est si dur. Elle était son soleil, sa lune et son repère. Elle était son phare dans la tempête. Elle était tout pour lui. Son ancre quand l’imagination l’emportait trop loin. Avec elle dans sa vie, personne n’aurait jamais pensé qu’il s’appelle Larry. Parce que sa Nonna adorait son prénom, tout comme sa mère. Elle lui racontait tous les soirs, enfant, le mythe de Hyacinthe et Apollon. Elle aimait la mythologie grècque, son pappi les histoires de valhalla et de ragnarok. Et ces histoires fantastiques de dieux et de mortels qui avaient bercé son enfance avaient aussi réuni ces deux êtres. Deux âmes soeurs du mythe originel, comme ils aimaient le rappeler à Hyacinthe. Et c’est aussi ce qui avaient rapproché ses parents, via l’archéologie. Mais c’est aussi ce qui les avait perdus, ses parents, noyés durant une plongée sous-marine à la recherche de vestiges. Un vrai drame. Hyacinthe ne se souvenait que du froid et du gris. Le même qu’aujourd’hui, s’il était sincère. Il avait huit ans. C’est peu d’années de moins que maintenant mais suffisamment pour que le souvenir de sa mère et son père ne le fassent pas souffrir. Avec Nonna tout était gris, froid et incisif. Comme des aiguilles affûtées, chauffées au fer blanc, lui transperçant le coeur. Il avait eu des années pour se consoler dans les bras de sa grand-mère du départ de ses parents. Mais il n’avait plus eu personne ensuite. Nonna et Pappi étaient le dernier mur de sa maison. Un mur important, un mur porteur. Il avait enterré sa grand-mère et son grand-père était parti ailleurs. Loin de sa campagne isolée grecque, entouré de milliers de gens, dans une grande ville et pourtant si seul, tellement seul. Heureusement que son ange était là. Sauf cette nuit. Cette nuit il n’était pas passé. Mais ça irait. Demain était un autre jour et aujourd’hui, aujourd’hui tout était gris. Tout était froid. Tout était douloureux. Mais demain, en se levant, il verrait de nouveau les couleurs. Il continuerait d’imaginer une vie idéale où son âme soeur, du vrai mythe des âmes soeurs, viendrait le chercher en lui disant “je t’ai enfin trouvé” et où tout finirait bien. Demain il retournerait à son habitude, à ses sourires rêveurs adressés aux petits enfants. Demain, il ne serait plus Hyacinthe, mais de nouveau Larry. Tout irait bien. Demain, oui demain.

Demain.