Tu es un sorcier, Harry [feat Will] - 2021

IL avait presque passé une journée normale. Tout était dans le presque chez Hyacinthe Grey, tous les jours de l’année. Enfin bref, il s’était levé sous la douce voix de Metallica soufflant dans son réveil, vite suivie par celle d’Apollon qui s’amusait comme régulièrement à critiquer ses choix musicaux. S’en suivait une rituelle rixe entre paladin et dieu, la voix de Hyacinthe résonnant dans sa chambre rappelant toujours les mêmes arguments, expliquant aussi patiemment que possible au dieu que, vu qu’il était le dieu de la musique, ça ne se faisait pas de faire des préférences, et celui-ci lui rétorquant qu’il avait le droit d’avoir du goût. C’était dur de se battre contre une entité qui avait des millénaires de vie derrière elle si bien que, comme d’habitude, Hyacinthe perdit l’affrontement.

Il avait descendu les escaliers, pied nu, en caleçon et t-shirt, comme tous les matins, une assiette vide dans la main. Son ange était encore passé cette nuit, c’était une bonne chose. Et puis il avait investi la cuisine, avait salué sa Nonna et son Pappi et avait pris son habituel petit déjeuner: du pain à l’huile d’olive, un yaourt aux graines de tournesol avec du miel et une compote en gourde. Et puis un grand verre de jus d’orange pressé. Et puis il était parti s’habiller et se préparer pour sa journée de travail à la supérette.

Etrangement, Apollon faisait profil bas aujourd’hui, ce qui voulait dire que Hyacinthe ressemblait plus ou moins à un jeune adulte normal. Enfin à part le fait qu’il avait l’allure d’un ado bien malgré lui et l’idée lui passa en tête que peut-être un jour Tonton Bertie aurait la police aux fesses d’employer un mineur dans sa supérette mais comme il n’était pas mineur, tout irait bien. La pensée le fit quand même glousser dans un rayon, effrayant une grand-mère qui s’étonna d’un “encore vous?!” avant de partir. Oh. Cette dame devait avoir l’habitude de le croiser en train de parler à Apollon. Une humaine donc. Pas de chance…ou alors beaucoup de chance, Hyacinthe l’ignorait, il ne connaissait que cette vie, de toute façon et dans un sens il n’était jamais seul, avec ce dieu dans la tête depuis sa plus tendre enfance.

Durant sa pause Hyacinthe reçut un message étrange qui le fit réfléchir tout le reste de son travail de la journée. Will était bizarre depuis quelques jours, tendue, sur ses gardes même avec lui, ce qui était très très bizarre. Will n’était pas comme ça. Jamais. Elle était… Elle était Will, enjouée, maligne, malicieuse. La meilleure amie que Cissy n’ait jamais eu. Et elle était distante. Et son message qui lui demandait de venir le plus vite possible était bizarre…il avait pas d’émoji. Ni de fautes de frappes dûes à l’excitation ou la précipitation et c’était tellement…PAS. Will. C’était absolument effrayant.

La fin n’arrivait pas assez vite et Hyacinthe se fit gronder par son collègue de la journée et quand, à seize heures, il parvint à se libérer de ce fardeau, il salua a peine l’équipe qui prit la suite et se mit à courir.

Ce n’était pas un sportif, Hyacinthe, mais son endurance hors du commun lui permit de courir longtemps, même si pas vraiment rapidement, et il finit par arriver chez Glenn et Will. Il tapa à la porte sur un rythme connu des deux habitants et lui-même et quand la porte s’ouvrit, il n’attendit même pas de voir qui se trouvait sur le pas de la porte avant de prendre la parole.

-Qu’est ce qu’il se passe? C'était quoi ce message?

Une sorcière. C’était pas possible, c’était une mauvaise blague, pas vrai? Moi, la meuf qui arrive pas à faire des oeufs brouillés sans mettre le feu à la cuisine, une sorcière?! L’univers a vraiment un très, très sale sens de l’humour. Je pense que le cri que j’ai poussé en découvrant oiseaux, écureuils et autres animaux de la faune locale sur mon lit après ma douche il y a une semaine hante encore Glenn à ce jour. Mais…Franchement. Moi, la fille d’un paladin, me retrouver à être une sorcière. D’accord, je ne suis peut-être pas sa fille biologique, mais l’ironie reste quand même assez puissante dans cette histoire!

Heureusement que papa est là d’ailleurs. Il a la tête sur les épaules, il est calme, il sait ce qu’il faut faire. J’espère du moins, parce que personnellement, je suis complètement paumée. En tout cas, il a tout fait pour me rassurer, m’assurant qu’il serait là pour m’aider. Pourquoi je ne peux pas être une humaine tout ce qu’il y a de plus banal? Ou pourquoi aucune divinité n’a voulu ma pomme? Au moins je pourrais aider papa, comprendre un peu mieux ce que traverse Cissy…MERDE Hyacinthe! Si j’ai pensé à me faire porter pâle au travail pour avoir le temps de digérer la nouvelle (et un peu pour essayer de comprendre les déclencheurs de mes pouvoirs histoire de ne pas causer de catastrophes en dehors de la maison) mais je n’ai absolument pas prévenu mon bestie…Quelle amie je fais, vraiment. En plus c’est pas comme si je ne l’avais pas croisé ces derniers jours, mais j’avais…la tête ailleurs.

En même temps, quand toi-même tu viens d’apprendre que tu es une sorcière, faut déjà que ça s’imprime dans ton cerveau avant que tu ne puisses en parler à qui que ce soit. En plus, comment t’abordes ce sujet?! “Cissy, t’as vu qu’ils sortaient un nouveau goût de compote de pomme en gourde? Au fait, je suis une sorcière! Surprise!” Bien sûr, et c’est la marmotte qui met le chocolat dans le papier d’alu, mais bien sûr! Sauf qu’il va bien falloir que je lui en parle un jour. Et puis j’ai jamais eu de secret pour lui, ce n’est pas maintenant que je vais commencer. Je ne peux cependant pas empêcher la boule d’anxiété de se former dans mon estomac à cette pensée. Glenn a été clair: il fallait que je fasse attention à qui j’en parle, car si certains paladins comme lui ou Yehuiah ne s’attaquent qu’aux créatures qui sont activement hostiles aux humains, d’autres ne sont pas aussi laxiste sur la notion…J’ai beau savoir que c’est Hyancinthe, mon Cissy adoré, cet amour absolu un peu tête en l’air, je ne peux pas m’empêcher d’appréhender. Finalement, je lui envoie un message en lui demandant de venir à la maison dès qu’il le peut.

Glenn n’est pas là, il est encore au campement et j’espère qu’il ne rentrera pas tout de suite, je voulais pouvoir l’annoncer à Hyacinthe sans la pression que mon père arrive entre les deux. Oui, il sait, et oui, il pourrait aider, mais j’ai le sentiment que c’est quelque chose que je dois faire seule avec lui, pas avec mon père présent. Quand le toquement si distinctif de Cissy retentit à la porte, je fonce à cette dernière pour l’ouvrir, découvrant la bouille confuse de mon bestie de l’autre côté.

“Entre et je t’explique.” dis-je en le tirant dans l’appartement d’une main dans son haut.

Vérifiant que personne ne nous observe dans le couloir, je referme la porte et vais dans le salon, où Cissy est déjà, avant de commencer à faire les cents pas. Bon, par où je commence?

“Désolée, mais faut que je te dise un truc. Juste que…C’est pas facile.”

Je me passe une main agacée dans les cheveux, avant de pousser un cri de surprise quand un écureuil roux apparaît dans mon champ de vision. Bon sang, je vais finir aux urgences à cause d’une crise cardiaque à force! Reprenant vite contenance, je fronce les sourcils et attrape un coussin du canapé pour le lancer vers la pauvre bête qui n’a rien demandé à personne.

“Toi, c’est pas le moment!” m’exclamai-je en pointant du doigt l’endroit où se trouvait l’écureuil.

Le rongeur, certes adorable, déguerpit en haut d’une étagère dans un squick de surprise et y reste. Tant mieux.

“Désolée.” finissant par me tourner vers Cissy (qui ne doit rien comprendre à ce qu’il se passe le pauvre), je prends une grande inspiration “Okay, alors, pour la faire courte. Il y a quelques jours, il est apparu clair qu’il y a un truc pas normal avec moi. Et non, t’as pas le droit de faire une vanne, c’est pas le moment.” dis-je avec des yeux plissés et un doigt vers lui. Puis je reprends mes cents pas, parlant à 100 à l’heure, comme d’hab quoi “Des petits animaux qui popent de partout, les plantes qui font ce qu’elles veulent quand je ne suis pas loin, bref, c’est le bordel.” et je continue à essayer de lui expliquer pendant encore un moment avant de finalement lâcher dans un souffle rapide “Jesuisunesorcière!”

Puis le silence. A peine le bruit de la rue dehors qui nous parvient au travers du vitrage de la fenêtre, et j’attends la réaction de Cissy maintenant, me rongeant l’ongle d’un pouce en attendant.

La porte s’ouvrit sur Will et son visage rongé par Hyacinthe ne savait quoi, ce qui lui fit froncer un peu plus les sourcils. Glenn n’aurait même pas été surpris, s’il avait été là, d’ouvrir la porte sur un jeune adulte ne lui disant même pas bonjour. Sa Nonna aurait râlé toute une litanie de choses en italien sur la politesse, mais elle n’était pas là. Et puis Cissy s’était plus ou moins annoncé avec son toctoc secret sur la porte de Will. Aucun souci en soi.

Il n’eut pas vraiment le temps d’y réfléchir plus que Will empoignait son vêtement et le tirait à l’intérieur. Alors, bien à son aise dans la maison, Hyacinthe avança et vint s’asseoir sur le canapé. Elle ne tarda pas à revenir, sa meilleure amie, faisant aller et retour sur le tapis, ses pieds frottants encore et encore le tissu. Un instant le paladin s’imagina les sillons que créeraient les pieds, le tapis qui prenait feu et Will qui ne s’en rendait pas compte. Mais non rien n’arriva. Il observa les alentours de la maison, lui laissa le temps et l’espace qu’il lui fallait alors qu’elle baragouinait il-ne-savait-quoi. Puis elle se tourna vers lui, s’excusa plusieurs fois avant de se taire de nouveau.

La fenêtre était ouverte et l’air de l’extérieur apportait une brise légère qui adoucissait grandement l’atmosphère tendue de la pièce.

-Will, murmura Hyacinthe.

Et puis, et puis il n’eut pas le temps d’en dire plus. Il n’eut pas le temps de dire à Will que ce n’était pas grave, que la brune pouvait abandonner, qu’elle pouvait garder ce secret pour elle et le partager plus tard, qu’il était patient et qu’il attendrait avec grand plaisir et qu’ils pouvaient juste mettre un film et boire de la compote jusqu’à ce qu’elle oublie ce qui, visiblement lui pesait. Tout ça à cause d’un écureuil.

Hyacinthe vit le regard de sa meilleure amie se déformer, pleine de rage et de détresse mêlée et il n’aima pas du tout ça. Il tourna la tête, cherchant des yeux ce qui avait pu la mettre dans cet état et alors que Will se mettait à crier, il trouva, surpris, un petit écureuil sur un meuble. Il vit le coussin partir de derrière lui pour chasser l’animal et se retourna, les yeux écarquillés de stupeur, l’index pointé derrière lui.

-Tu as un écureuil chez toi. Tu grondais un écureuil…Will…un écureuil?

Il entendit un rire grave résonner dans son esprit et ignora Apollon qui se manifestait maintenant seulement pour rire de son désarroi.

Il posa ses mains sur ses genoux et regarda la brune prendre une grande inspiration. Il fit de même, sans vraiment s’en rendre compte, et ouvrit ses oreilles. Il se doutait bien qu’elle allait parler de son mal-être d’il y avait quelques jours. Son attitude distante, le manque de messages, d’émojis, de réponses. La raison de la solitude étrange dans laquelle avait été Hyacinthe, mine de rien, parce qu’elle était là sans l’être. Il ne lui en tenait pas rigueur, évidemment, n’allait même pas lui en parler. Il était le seul fautif s’il avait du mal à se faire des amis, après tout. Même s’il pouvait l’avouer facilement, Will et Silas suffisaient amplement à sa vie.

Il ouvrit la bouche, prêt à faire une remarque sur la formulation de la première phrase, cherchant à détendre l’atmosphère, lui indiquant que tout était bizarre chez elle et que c’est ce qu’il aimait le plus (oui, il aimait tout chez elle, c’était comme ça) mais n’eut pas le temps de le faire qu’il se faisait rabrouer par la principale intéressée. Il sourit, coinça son rire joyeux dans le fond de sa gorge et fit le geste de la bouche cousue à Will pour indiquer qu’il avait bien comprit.

A la suite de l’explication, son sourire disparut. Et plus Will parlait, plus ses sourcils se fronçaient d’incompréhension. Tout ça n’avait aucun sens. Il entendit un “ah” surpris dans son esprit alors que son cerveau faisait mille et une gymnastique pour savoir s’il était possible que Will soit ou non un paladin. Et Hyacinthe ne comprenait pas. On naissait paladin, c’était ce que lui avait appris Pappi. Et Will n’avait jamais entendu personne dans sa tête, grand bien lui fasse. Et si elle avait eu un pouvoir divin, elle l’aurait su bien avant sa vingtaine.

Et puis, dans sa hâte elle balança quelque chose au milieu de la pièce. Une suite de mots dit si vite que si elle les avait écrits ils auraient tous été collés, sans ponctuation. Heureusement pour eux deux, Hyacinthe savait comprendre le Will depuis le temps qu’il le pratiquait. Il ouvrit la bouche de stupeur, la ferma de nouveau et dans son incompréhension ne put que murmurer:

-Euh…comme Harry Potter?


Apollon soupira dans son esprit avec un petit “par tous les dieux” et Hyacinthe se demanda vaguement si les dieux avaient le droit de jurer en leurs propres noms comme ça, avant de revenir à la situation. Il ne comprenait pas. Will était sa meilleure amie et il n’avait jamais eu peur de lui poser des questions, d’avoir l’air ridicule, d’avouer ne pas savoir devant elle. Aujourd’hui ne serait pas un début. Il lui attrapa la main, la tira à lui dans le canapé, abandonna ses chaussures et s’assit en tailleurs avant de laisser ses mains jouer avec les doigts de sa meilleur amie.

-Je..je ne comprends pas? Will on nait paladin, je t’en ai parlé non? On peut pas soudainement avoir des pouvoirs divins comme ça c’est pas…c’est pas possible. C’est possible?

Et là il s’adressait à Apollon, paniquant un peu dans son esprit alors que la divinité lui indiquait avec calme que ce n’était pas possible, en effet, avant de le libérer de sa présence pour de bon.

-Non c’est pas possible. Je… si t’es pas un paladin, t’es une humaine. Et c’est très bien mais…une sorcière? Les sorciers existent? Enfin ça devrait pas trop m’étonner comme les anges gardiens existent…Je veux dire… je suis persuadé que certains d’entre eux sont dans notre entourage… Ton père aurait pu si c’était pas un paladin par exemple. Donc une sorcière… parce que ce que tu dis là, on dirait plutôt une princesse disney… T’as un écureuil dans ton salon Will, c’est trop bizarre.

Hyacinthe, innocent et adorable Hyacinthe, qui énonce l’évident. Merci Captain Obvious. Bon, je ne suis pas juste avec lui, il fait ce qu’il peut avec ce qu’il sait, c’est à dire, rien. Ou presque. Il sait au moins qu’il y a un écureuil qui a pensé une bonne idée de venir faire son nid, ou peu importe comment on appelle l’habitat d’un écureuil, chez elle. C’est un début, et déjà sacrément bizarre. L’écureuil reste à bonne distance après mon lancer de coussin intempestif. Tant mieux. Le pire, c’est que fondamentalement un écureuil, c’est choupi, j’aime bien les écureuils. Pas dans MA maison, à venir me voir MOI. Certainement pas juste parce que j’ai poussé la chansonnette dans ma douche comme je le fais depuis que j’ai douze ans. Bref.

“Je sais, je sais. Mais crois-moi tu serais dans le même état que moi si t’avais eu les journées que j’ai eu dernièrement.” soupirai-je, en me frottant les tempes.

Avoir cet écureuil (car oui je SAIS que c’est le même, ne me demandez pas comment je le sais, je le sais, c’est tout) qui est là à dormir à côté de mon oreiller quand je me réveille tous les matins depuis quelques jours n’est pas quelque chose auquel on s’habitue aussi bien qu’on le penserait.

Reportant mon attention vers Hyacinthe, je reprends ce que je disais, l’intimant de ne pas dire un mot au sujet de ma possible bizarrerie (hormis le fait que je sois une sorcière on s’entend) alors qu’il a à peine commencé à ouvrir la bouche. Il me fit signe qu’il a compris et je hoche la tête fermement, satisfaite. Je commence à le connaître comme si je l’avais fait. Puis je reprends et le fait que le sourire de Cissy disparaisse ne me rassure pas du tout. D’où, probablement, mon déballage à la mode TGV de l’information principale.

Autant dire que la réaction initiale de mon bestie eu le don d’au moins me détendre un poil, notamment parce qu’elle me prend par surprise et que je me retrouve un peu bête face à lui, avant de cligner des yeux pour reconnecter mes deux neurones et finalement hocher la tête.

“Euh…ouais. Je suppose qu’on peut dire ça…?”

Faut dire que je n’ai pas exactement cherché à savoir si j’étais plus une sorcière comme dans Harry Potter ou plus du genre chaotique de The Magicians, très honnêtement j’ai eu autre chose à penser. Cependant, quand Cissy prend ma main pour m’attirer vers le canapé, je ne me fais pas prier pour suivre le mouvement. En toute vérité, un câlin je ne dirais pas non là, tout de suite, mais connaissant mon meilleur ami, j’ai bien conscience que ça sera question d’abord, puis cuddle ensuite si besoin. J’annonce: BESOIN. Chaque chose en son temps cependant. Déjà, je mime sa position, m’asseyant en tailleur face à lui aussi, lui laissant ma main. Le fait d’avoir un contact physique avec lui me permet de ne pas totalement partir en panique.

Par contre j’admet rester perplexe quant à ses paroles et ça se lit sur mon visage.

“Euh…Je sais, mais c’est pas le problème…” j’ai un père adoptif paladin tout de même, je connais à minima ce que ça implique.

J’essaie de comprendre où je veux en venir, en observant son visage. J’ai envie de lui demander un “qu’est-ce que tu comprends pas?” un peu hystérique, mais je me retiens. Parce que c’est Cissy et que Cissy il a parfois un cheminement de pensée un peu particulier (notamment en raison de la divinité qui lui cause un peu quand ça veut dans sa tête), donc on va au moins attendre qu’il arrive à la fin de sa pensée avant de partir en live. Ca peut être bien.

Enfin le pourquoi du comment arrive et j’en reste pantoise. Comment ça il me pose la question si les sorciers existent?! C’est lui le paladin, pas moi…Puis ça me revient qu’il n’a jamais réellement été entraîné pour ça, pas comme Glenn ou Yéhuiah, donc effectivement. Mon visage garde cependant une expression entre confusion et perplexité avant de faire la moue à la mention de “princesse disney”.

“Ouais, ouais, je sais, je suis une princesse disney de wish à ce niveau-là. Mais oui, les sorciers ça existe. Enfin je veux dire, les paladins existent, et ils sont censés combattre des créatures qui en voudraient aux humains et spoiler alert, y’a des sorciers qui en veulent aux humains, histoire de chasse aux sorcière, bûchers, tout ça…” oui, j’ai fais mes devoirs du coup, curieuse comme je suis “Mais y’a plein d’autres bestioles. Bon, me demande pas une liste là tout de suite, c’est ni le moment, ni le sujet et Papa sera bien plus à même de répondre que moi.”

Je soupire, un peu défaite de tout ça, et émotionnellement fatiguée de cette confession, quand je sens un truc à ma droite. Tournant la tête je vois l’écureuil de tout à l’heure qui a posé une petite patte sur ma cuisse, me regardant avec ses grands yeux sombres. Un grognement sort de ma bouche. Fermant les yeux un instant en penchant la tête en arrière, puis je rouvre un oeil pour voir que le rongeur n’a toujours pas bougé. Un nouveau soupire s’extirpe de ma poitrine et je dit, lasse.

“Tu vas pas me lâcher hein?” ce à quoi l’écureuil répond en posant une seconde patte sur moi et je finis par céder “Okay, viens par-là boule de poils.”

Je relève le bras qui semblait le gêner et le regarde, en silence, s’installer confortablement dans le creux de mes jambes, en boule, pour s’endormir tranquillement. Tentativement, je passe un doigt sur sa tête, une petite caresse, et il émet un son de bien-être, me tirant un petit sourire.

“L’est plutôt mignon quand il essaie pas de me donner une crise cardiaque…”

Hyacinthe était perplexe, perdu et il avait l’impression que quelque chose tirait son estomac dans tous les sens. Il avait la nausée, là tout de suite. Trop de choses à penser, trop d’habitudes perturbées. Will était une sorcière? Même s’il avait affirmé que ça faisait du sens, ça n’avait aucun foutu sens en réalité. Il ne comprenait pas. Il n’avait jamais cherché à savoir ce que son grand-père combattait, ce qui existait en dehors des humains et des paladins. Les monstres, il les avait juste aperçu, avant d’être mis à l’abri par sa grand-mère pendant que son grand-père appelait son arme divine. Et le reste, le reste il avait supposé, s’était fait une joie d’ignorer tout ce qui existait à par eux, les siens, les humains et les paladins…et maintenant la sorcière. Il avait aucune idée de ce que ça pouvait impliquer dans son monde sauf le fait que, pour l’instant, Will avait besoin de lui. Et ça, ça c’était plus important que tout le reste. Alors, alors Hyacinthe fait ce qu’il sait faire le mieux: l’imbécile. Enfin pas vraiment mais il compare Will a une princesse disney parce que mince: les animaux partout dans la maison? Et quoi encore, ils l’habillent et la douchent et l’aident à faire le ménage?

Un rire un peu hystérique le prit quand elle se compara à une contrefaçon chinoise ou un objet de peu de qualité, faisant naître un gloussement au creux de sa gorge qui poussa le rire joyeux qu’il y avait enfermé tout à l’heure. Enfin bref, Hyacinthe éclata de rire au pire moment, ne lâcha pas les mains de sa meilleure amie. Le reste par contre eut le don de le raccrocher à la réalité comme s’il était tombé d’une chute libre et son rire se tordit dans un gargouillis étrange alors qu’il se mettait à tousser.

-Attend qu…quoi? T’es en train de me dire qu’on est plus ou moins conçus pour s’entre tuer tous les deux et tu crois que la bestiole de tout à l’heure est un problème plus important?!

-C’est exactement ça, mon Hyacinthe. Il fallait bien que tu arrêtes de faire l’aveugle à propos des monstres qui t’entourent à un moment ou un au…

-Mais tais-toi! S’il te plait tais-toi!!!

Il regarda Will, affolé, lâcha sa main de la sienne.

-Pas toi, lui. Je déteste ce qu’il dit parce que t’es pas un monstre t’es juste WIll. Comment c’est possible que je doive te chasser toi? Et avec quoi ça?


Il montra les spaghettis qui lui servaient de bras avant de lui reprendre les mains.

-Je jure par tous les dieux que si un paladin essaie de te faire du mal, je lui fous un coup de lyre antique. Au moins elle servira a quelque chose comme ça.

Il se rendit compte ensuite, qu’avec son espèce de petite crise de nerfs, il avait raté toute interaction entre l’animal et Will et son regard surprit se posa entre les jambes de Will, là ou l’écureuil dormait paisiblement. Son visage se chiffonna de nouveau alors qu’il regardait la peluche.

-Je vais pas te mentir, ça, c’est super super bizarre. Tu peux faire quoi d’autre à part attirer des animaux sauvages à toi? Je dois t’appeler Blanche Neige au rabais ou quoi? Je euh…désolé pour euh l’hystérie? C’est beaucoup à encaisser. Même si c’est surement plus pour toi que pour moi. Je veux dire… t’es devenue une maman canard pour tous les animaux de la ville?

Oh la boulette…J’en rate pas une moi, vraiment. En pensant un peu mieux expliquer les choses à Cissy, j’ai empiré la situation. Ca se voit rien qu’aux sons qui sortent de mon meilleurs amis. Pire encore: ses paroles. Bon sang, pour moi Cissy est autant un paladin qu’une contrebasse est un pot de chambre, mais il EST un paladin, qu’on le veuille ou non, c’est sa nature, tout comme la mienne est d’être une sorcière (la nouveauté du moment mais passons). Donc théoriquement, oui, on est pas sensé être du même côté de la barrière, mais s’il y a bien une chose que Glenn m’a apprise durant toutes ces années, c’est que les gens essayent de diviser le monde en deux catégorie très binaires, le tout noir ou le tout blanc, alors qu’en réalité il est une grande majorité de gris. La preuve en est Glenn lui-même: il ne va qu’après les créatures réellement néfastes aux humains, ou aux autres en général d’ailleurs, mais je sais aussi de sources très sûres qu’il n’a aucun problème à tisser des liens avec d’autres créatures plus calmes. Je serre les mains de Cissy dans les miennes, un geste que je tente de rendre rassurant en ouvrant la bouche.

“Non, je me suis mal ex-”

Je m’interromps quand il ordonne de la fermer et je referme la bouche vitesse grand V, inquiète d’un coup, avant de me détendre quand il s’excuse. Ah. Apollon. S’il pouvait effectivement se la fermer pendant que je tente d’expliquer la situation à mon bestie, ça serait génial. Surtout que, minute papillon, il dit que je suis un monstre, l'autre divinité de mes deux là? Heureusement que je ne l’ai pas en face de moi, parce que sinon il s’en serait pris une bien sentie. Non mais je l’emmerde à la fin le dieu des arts lyriques là!

Mon attention se reporte cependant sur Hyacinthe et le laisse terminer, tenant sa langue avant de finalement rire à sa dernière question, détendant un peu l’atmosphère. Enfin, je me repends et caresse le dos de ses mains de mes pouces, pour le rassurer.

“C’est pas loin, ouais.” dis-je avec un sourire avant de soupirer “Pour être honnête, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Papa m’aide à essayer de savoir exactement quel type de magie je possède, mais il faudra que je te trouve quelqu’un pour m’aider à contrôler tout ça.” un soupire las rien que d’y penser s’échappe de mes lèvres puis je me reprends, prenant le visage de Hyacinthe entre mes mains “Ensuite, premièrement: t’as pas à t’excuser, moi aussi j’ai freak out en découvrant un matin tout une flopée de bestioles sur mon lit en sortant de la douche. Où j’avais poussé la chansonnette. Alors t’auras le droit à une vanne Blanche-Neige par jour. PAS UNE DE PLUS, capiche?” je le regarde, ferme dans mes paroles, puis je relâche son visage, allant faire une petite caresse à l’écureuil qui dort comme un bien heureux “Ensuite t’en fais pas, le premier qui essaie de me faire quoi que ce soit va se prendre un coup de lance de la part de Glenn, donc pas de soucis de ce côté là, mais je suis ravie d’entendre ton soutien. Et dernièrement, je vais m’adresser à la divinité qui se trouve dans ton cerveau, donc désolée d’avance.” je m’éclaircis la gorge et porte mon regard sur le front de Cissy “Oï! Apo, jusqu’à y’a une semaine j’étais une humaine pour autant qu’on sache et ça avait pas l’air de te poser un problème alors tu vas la fermer bien gentiment et retourner jouer de la harpe dans son coin. Merci bien.”

Je humph, fière de ma tirade, pourtant pas fameuse, puis déloge l’écureuil de mes genoux pour le poser sur le dossier du canapé (d’où il me regard avec un air confus encore un peu endormi) et tends les bras vers mon meilleur ami.

“Un câlin?”

Will lui avait repris les mains alors qu’il s’éparpillait de nouveau dans son esprit et en réalité, lui présentant ses excuses. On avait pas idée de flipper comme ça pour rien mais ça l’avait mis tellement mal d’entendre Apollon parler de Will avec autant de venin alors que, certes s’il la connaissait, il ne pouvait pas la juger. Hors de question de laisser Apollon le forcer à faire du mal à des gens comme WIll. Elle était tellement gentille, et drôle et sincère et c’était vraiment, profondément, absolument, quelqu’un de bien. Si un jour Cissy était capable de se battre, jamais il ne lèverait la main sur elle. Elle était sa soeur.

Il laissa ses mains bien à plat dans celles, un tout petit peu plus petites, de sa meilleure amie, la laissant les bouger, les caresser comme elle l’entendait, se détendant immédiatement sous son toucher. Il avait cette habitude, depuis qu’il était enfant, d’être toujours en contact physique avec Will ou Silas dès qu’il était dans la même pièce qu’eux. C’était rassurant, ça l’ancrait au moment présent. Parfois c’était nécessaire parce que Hyacinthe avant tendance à s’éparpiller dans l’univers ou, au contraire, à s’enfermer dans son esprit, jamais seul, avec ce dieu qui s’amusait régulièrement à venir lui pourrir la vie. Il se demandait, régulièrement, si Apollon n’était pas juste absolument et terriblement seul. S’il avait ce genre de lien avec les autres paladins ou si c’était juste sa façon à lui de le punir. Quand il était enfant, Apollon passait des heures à lui parler des histoires des paladins à travers l’histoire, et pas que des siens. A parler de Heracles, de Achilles mais aussi à raconter mille et une choses sur les autres dieux. Hyacinthe ignorait si c’était vrai, il n’avait aucun moyen de le savoir, c’était comme chercher dans l’Histoire des informations sur la véracité des dires de son voisin à propos de son cousin: il ne pouvait se fier qu’à Apollon là-dessus. Ce qui l’amenait à une autre question: que faisaient réellement les dieux, dans une société où si peu de monde croyait en eux désormais? Les éclairs n’étaient pas le fait de Zeus, ni de Thor mais juste un phénomène météorologique classique. Les tempêtes en mer également, et Poséidon était relégué à une histoire qu’on racontait parfois la nuit, avant de dormir. Un méchant dans l’histoire d’Ulysse et c’était tout. Les dieux, réalisait Hyacinthe un peu plus chaque jour, n’avaient plus qu’eux. Eux et leurs paladins, quand ils avaient connu le faste et l’adoration d’une si grande partie de l’humanité. C’était triste, en un sens, une telle décadence. Et mine de rien, ça l’aidait à mieux supporter Apollon dans sa tête. Certains jours c’était pas suffisant. Aujourd’hui ça allait.

Il se rendit compte qu’il avait un peu zoné ailleurs quand il ne sentit plus les mains de Will dans les siennes mais deux pressions douces sur ses joues et son regard se focalisa sur sa meilleure amie de nouveau, regardant le vert des jeunes feuilles de laurier s'étendre alors qu’elle reprenait la parole. Il ne put empêcher le petit rire de le prendre, soulagé, et un peu déçu aussi.

-Zut, j’en avais plein d’autres…Il faudra que je les note.

Et puis, pris de tendresse, il observa l'interaction entre Will et l’animal qui, il le comprenait déjà, deviendrait la quatrième roue de leur carrosse d’amis. Leur mini mascotte. La peluche. Définitivement la peluche. C’était marrant, ça faisait un peu nom de garçon perdu.

Il laissa ensuite son corps se détendre, son cerveau enregistrer l’information qu’il savait déjà, à savoir que Glenn ne laisserait rien arriver à sa fille puis se figea comme un animal dans les phares d’une voiture lorsque Will s’adressa à Apollon à travers lui. Elle le faisait parfois, rarement parce que c’était toujours très étrange pour Hyacinthe, physiquement et mentalement, d’avoir l’impression d’asister à une discussion à travers son propre corps, et aujourd’hui il ne savait pas vraiment comment se tenir alors il resta immobile, écoutant les paroles de son amies sans rien dire. Il aurait pu rire si Apollon n’avait pas rétorqué immédiatement que si, il avait toujours eu un problème avec elle, avec ce Silas aussi et tous ceux qui s’approchaient trop de son Hyacinthe dans tous les cas. Il fallut quelques minutes de silences à Cissy pour vraiment revenir de ce monologue énervé, secouer la tête et sauter dans les bras de Will, l’écrasant à moitié par la même occasion. Il s’installa ensuite dans ses bras, lui-même dans une position tarabiscotée qu’il trouvait confortable et y resta, perdu dans ses pensées un moment, un Apollon vexé parti un moment.

-Hey Will. Tu crois que je devrais trouver un mentor ou quoi… Apprendre à me battre pour pouvoir aider, si Silas ou toi vous avez besoin? Je veux dire…Je suis un paladin, je suis sensé faire ça. J’avais pas de raison de le faire avant mais je me dis que peut-être ton nouveau label sorcière animalière peut attirer les foudres de je sais pas qui. Ce serait bien qu’on s’allie contre l’adversité et que je suis capable de plus que de leur jeter des gourdes de compotes à la tronche.

Cissy me voit lui tirer la langue telle une adulte très mature quand il annonce qu’il notera ses blagues sur Blanche-neige. Bon, au moins j’ai une idée de costume pour Halloween maintenant. Pas que j’en dise quoi que ce soit à Cissy ou Silas, je vais leur faire la surprise. Ca les fera bien rire au moins. Et puis hey, au moins niveau look il manque que la robe et le rouge à lèvre, sinon je suis opé ! L’écureuil dans mes genoux tend la tête vers les doigts qui le caresse, comme cherchant plus de contact. Je finis par placer une main sous sa tête, laissant mes doigts le gratouiller comme je peux et il a l’air ravi. C’est vrai qu’il est mignon cette p’tite boule de poils…

En tout cas, je donne mon avis et ma pensée au dieu tutélaire de Cissy, ce qui ne manque jamais de me faire sentir un peu stupide, vu que je ne vois même pas avec qui je parle et je ne vois que me meilleur ami qui, le pauvre, devra soit faire le pigeon voyageur pour me donner la réponse du dieu ou juste subir les réponses en silence. Le silence qui suit ma tirade est un peu bizarre, comme à chaque fois que j’attends la réaction. J’en profite pour proposer un câlin et je ne suis pas surprise de voir le blond se jeter dans mes bras pour profiter de l’étreinte, me tirant un rire joyeux. Dire qu’il y quoi, dix minutes, j’étais une boule de nerfs et de stress sans fin. Comme quoi, mon meilleur ami sait vraiment comment me sortir de mes idées noires ou perdues, alors que lui-même a tendance à se perdre dans sa propre tête.

L’entourant de mes bras, j’ai une main qui passe et repasse dans ses cheveux, un geste presque maternel, rassurant. N’importe qui ne nous connaissant pas (ou même nous connaissant pour être honnête) nous verrai comme ça et se ferait une idée très probablement erronée de notre relation. Nous sommes proches, tactiles les uns avec les autres (car oui Silas fait partie de notre trio infernal au même niveau que Cissy et moi-même), mais il n’y a pas d’ambiguïté entre nous. Du moins je n’en n’ai pas avec mes deux besties et pour cause : je les aime comme personne d’autre, mais je irrémédiablement attirée par les femmes. Ils le savent, ils ont été les premiers (et pour l’instant les seuls) à être au courant. Hell, même Glenn n’est pas encore au courant. Alors pour moi, c’est certain qu’il n’y aura jamais d’ambiguïté entre nous trois.

Mes yeux se baisse vers la masse capillaire de mon meilleur ami, lui portant mon attention quand il commence à parler et une fois terminé, je réponds.

"Uniquement si tu veux le faire. Tu sais que ni Silas, ni moi ne te forcerons à apprendre à te battre si tu ne le veux pas. En plus t’en fais pas, je prends des cours d’auto-défense et Glenn a même accepté de me laisser apprendre à faire du tir à l’arc !" dis-je toute contente.

Il faut dire que je tanne mon père avec ça depuis un bail. Lui étant un aimant à créatures et moi étant une miss catastrophe par moment, je n’ai pas trop tardé à émettre l’idée qu’apprendre à me défendre (je n’irai pas dire me battre non plus) serait une bonne idée. Sauf qu’il est protecteur à défaut Glenn, ce qui d’un côté est une qualité, mais est aussi une chose un peu agaçante par moment. Bref.

"Dans tous les cas, on fera front commun. C’est ce qu’on a toujours fait et ce qu’on fera pour toujours. J’en suis convaincue. En plus, bon, on va pas se mentir, on a quand même Glenn et Yaël derrière nous pour aider si besoin…Perso, je suis pas inquiète."

Si, en vrai, mais pas trop pour ça.